Revue Spirite d’études psychologiques

 

4ème année, N° 9, septembre 1861

 

Le style, c'est l'homme. Polémique entre plusieurs Esprits.

 

 

Au cours d’une séance à la Société Spirite de Paris, présidée par Allan Kardec, le 19 juillet 1861, l'Esprit de Lamennais donna spontanément une dissertation sur l'aphorisme de Buffon : « Le style, c'est l'homme », par l'entremise de M. A. Didier, médium.

 

Suite à cette communication, un débat a suivit entre différents esprits par médium interposés (médiums : M. A. Didier, M. d’Ambel, Madame de Costel), sur plusieurs jours au sein de la Société Spirite de Paris.

 

Buffon se trouvant attaqué répliqua quelques jours après, puis, successivement le vicomte de Launay défendit Lamennais, Buffon répondit au vicomte Delaunay.

Bernardin de Saint Pierre se mêla au débat où son nom avait été prononcé par le vicomte de Launay et par Buffon, puis Lamennais répondit à nouveau à Buffon.

Gérard de Nerval critiqué par Buffon qui dit sur lui qu’il écrivait de la « fantasia » avec sa vie comme avec sa plume, répondit en dictant un morceau à qui il donna le titre de Fantasia (en 2 séances).

Pour finir le Débat, c’est Eraste (1er siècle après J.C.) qui vient conclure :

 

Les esprits participant à ce débat étaient dans le plan spirituel depuis plusieurs années lors des différentes réunions médiumniques réalisées en juillet 1861 : Buffon[1] (1707-1788), Gérard de Nerval [2] (1808-1855), le vicomte Delaunay[3] (1804-1855), Bernardin de Saint-Pierre[4] (1737-1814), Lamennais[5] (1782-1854), Eraste[6] (1er siècle).

 

C'est polémique, aussi curieuse qu'instructive, qui est reproduite dans son entier dans la Revue Spirite de septembre 1861, n'a été ni provoquée ni préméditée, chaque Esprit est venu spontanément y prendre part ; Lamennais a ouvert la discussion, les autres l'ont suivi.

 

Extrait du discours prononcé par Buffon à l'Académie française le 25 août 1753 :

M. de Buffon dit le style, c'est l'homme :

« Les ouvrages bien écrits seront les seuls qui passeront à la postérité : la quantité des connaissances, la singularité des faits, la nouveauté même des découvertes, ne sont pas de sûrs garants de l'immortalité : si les ouvrages qui les contiennent ne roulent que sur de petits objets, s'ils sont écrits sans goût, sans noblesse et sans génie, ils périront, parce que les connaissances, les faits et les découvertes s'enlèvent aisément, se transportent, et gagnent même à être mises en oeuvre par des mains plus habiles. Ces choses sont hors de l'homme, le style est l'homme même. »

 

Position de Lamennais :

Lamennais nous dit qu’en dehors de l’homme, il peut y avoir une inspiration extérieure qu’il s’attribue à lui même et qui peut être opposée à son style :

« Très souvent donc l'homme ne se reflète pas dans ses œuvres ; nous dirons aussi combien de poètes usés, abrutis ; combien d'artistes désillusionnés sentent tout à coup une étincelle divine illuminer parfois leur intelligence ! Ah ! C’est qu'ici l'homme écoute autre chose que lui-même ; il écoute ce que le prophète Isaïe appelait le petit souffle, et que nous, nous appelons les Esprits. Oui, ils sentent en eux cette voix sacrée, mais oubliant Dieu et sa lumière, ils se l'attribuent à eux-mêmes ; ils reçoivent la grâce dans l'art comme d'autres la reçoivent dans la foi, et elle touche quelquefois ceux qui prétendent la renier. »

 

Conclusion de l’Esprit d’Eraste :

Ce débat littéraire et philosophique vient nous montrer, comme nous l’explique l’Esprit d’Eraste, « que l'être personnel pensant poursuit, même au-delà de la tombe, ses études et ses travaux, et qu'au moyen de cette lucidité qui est l'apanage particulier des Esprits, comparant sa pensée spirituelle avec sa pensée humaine, il doit en élaguer tout ce qui l'obscurcissait matériellement ........ et chacun, dans le vaste pays de l'erraticité, conserve ses aptitudes et son originalité ......... les goûts et la forme littéraire que vous remarquiez en eux de leur vivant. Je crois qu'il est utile d'appeler votre attention sur cette condition d'être de notre monde d'outre-tombe, pour que vous ne vous laissiez pas aller à croire qu'on abandonne instantanément ses penchants, ses moeurs et ses passions en dépouillant le vêtement humain. Sur la terre, les Esprits sont comme des prisonniers que la mort doit délivrer ; mais de même que celui qui est sous les verrous a les mêmes propensions, conserve la même individualité quand il est en liberté, de même les Esprits conservent leurs tendances, leur originalité, leurs aptitudes, quand ils arrivent parmi nous ; sauf toutefois ceux qui ont passé, non par une vie de travail et d'épreuves, mais par une vie de châtiment, comme les idiots, les crétins et les fous. Pour ceux-là, les facultés intelligentes étant restées à l'état latent, ne se réveillent qu'à leur sortie de la prison terrestre. Ceci, comme vous le pensez, doit s'entendre du monde spirite inférieur ou moyen, et non des Esprits élevés affranchis de l'influence corporelle. »

 

Biographie des esprits participant au débat :

 

1) Buffon :

Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, né à Montbard le 7 septembre 1707 et mort à Paris le 16 avril 1788, est un naturaliste, mathématicien, biologiste, cosmologiste et écrivain français. Ses théories ont influencé deux générations de naturalistes, parmi lesquels notamment Jean-Baptiste de Lamarck et Charles Darwin. La localité éponyme Buffon, dans la Côte-d'Or, fut la seigneurie de la famille Leclerc.

M. de Buffon a été élu par l’Académie française en août 1753.

Image:Buffon 1707-1788.jpg

 

2) Gérard de Nerval :

Gérard de Nerval, de son vrai nom Gérard Labrunie, né à Paris le 22 mai 1808, mort à Paris le 26 janvier 1855, est un poète français.

Image:Gérard de Nerval.jpg

 

3) Le vicomte Delaunay :

Delphine de Girardin, née Gay le 24 janvier 1804 à Aix-la-Chapelle et morte le 29 juin 1855 à Paris, est une écrivaine française.

Elle a écrit sous divers pseudonymes : Vicomte Charles Delaunay, Charles de Launay, Vicomte de Launay, Léo Lespès, Léa Sep

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4) Bernardin de Saint Pierre :

Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, né le 19 janvier 1737 au Havre et mort le 21 janvier 1814 à Éragny-sur Oise, est un écrivain et un botaniste français.

 

5) Lamennais :

Hugues-Félicité Robert de Lamennais, né à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) en 1782 et décédé à Paris en 1854, était un écrivain et philosophe français. Son nom de famille est Robert et c'est en s'inspirant du lieu-dit « la Mennais » où son grand-père possédait une métairie qu'il se nomma ainsi.

Issu d'une famille pieuse de petite noblesse récente, il fut ordonné prêtre en 1816. Philosophe chrétien, connu pour être un personnage ultramontain, Lamennais peut être considéré comme le précurseur du catholicisme libéral, du catholicisme social, ainsi que de la démocratie chrétienne

Image:Lamennais.jpg

 

6) Eraste :

Corinthien et disciple de saint Paul, est appelé par cet apôtre trésorier de la ville (Ro 16 :23), c'est-à-dire de Corinthe, où saint Paul était alors, ou de Jérusalem, selon les nouveaux Grecs. Eraste s'attacha à saint Paul, et quitta, pour cela, sa charge d'économe ou de trésorier. Il le suivit à Ephèse (Ac 19 :22), où il était l'an 56 de Jésus-Christ, d'où saint Paul l'envoya en Macédoine avec Timothée, apparemment pour préparer les aumônes des fidèles. Ils étaient tous deux avec lui à Corinthe en l'an 58, lorsqu'il écrivit aux Romains, qu'il salue de la part de l'un et de l'autre; et il y a apparence qu'Eraste suivit toujours depuis l'Apôtre, jusqu'au dernier voyage qu'il fit à Corinthe, en allant souffrir le martyre à Rome en 65. Car alors Eraste demeura à Corinthe, comme saint Paul le manda peu de temps après à Timothée (2Ti 4 :20).

Usuard, Adon et le Martyrologe romain disent que saint Paul avait laissé, Eraste en Macédoine, et l'en avait fait évêque; et qu'enfin il fut martyrisé à Philippes. Les Grecs, au contraire, dans leurs Menées, ie font évêque de Panéade, vers les sources du Jourdain, lui donnent le titre d'apôtre, le mettent au nombre des septante disciples, et disent qu'il mourut en paix, après avoir parcouru toute la terre, pour annoncer la foi de Jésus-Christ. Mais ni les uns ni les autres ne produisent aucune preuve de ce qu'ils avancent. Les Latins l'honorent le 26 de juillet, et les Grecs le 10 de novembre.